vendredi 7 mars 2014

1796-1798 : années des Français en Irlande

Qui se souvient des deux expéditions françaises en Irlande de 1796 et 1798 ? Personne, sauf quelques historiens.


Les Irlandais se souviennent bien de ces deux tentatives françaises - qui ont toutes deux échouées. Tentatives d'invasion pour les uns, tentatives de libération pour les autres.


Emblème des Irlandais Unis
En 1796, le Directoire français décide d'assister, dans sa lutte contre l'oppresseur anglais, la Société des Irlandais Unis - fondée sur l'exemple de la Révolution française.

La France prépare donc une grande expédition, forte de 15.000 soldats, rassemblée dans le port de Brest sous les ordres du général Hoche.


Flotte française au large d'Irlande

Le départ de la flotte est lancé durant l'un des hivers les plus tempétueux de l'époque. Les bateaux et leurs équipages, mal préparés, se dispersent et se perdent de vue au large.

Les Anglais, incapables de stopper militairement une telle flotte se contentent de profiter des tempêtes pour faire prisonniers de guerre quelques soldats français et naufrager leurs bateaux.

Durant ce désastre maritime, 1.000 soldats perdent la vie. Aucun Français n'atteint l'Irlande - à l'exception des prisonniers de guerre.

                              


En 1798, on recommence. Le chef de la Société des Irlandais Unis, Theobald Wolfe Tone, se rend à Paris pour appeler le Directoire à l'aide. Son objectif : chasser pour de bon les Anglais de son pays.

Partie de Rochefort, la petite flotte française d'environ 1.000 soldats, commandée par le général Humbert, débarque à Kilcummin, dans le nord de l'Irlande. Rejoints par 5.000 rebelles irlandais, les soldats français remportent la victoire sur les Anglais lors de la bataille de Castlebar.


Insurgés irlandais (pickmen) - reconstitution historique



Les soldats français sont stupéfaits par la misère qui règne en Irlande. Le capitaine Jean-Louis Jobit rapporte dans son journal : "Les hommes, les femmes, les enfants presque nus n'ont d'autre asile qu'une étroite et pauvre chaumière qui ne les met pas à couvert des rigueurs des saisons. [...] Leurs aliments sont des pommes de terre, du lait aigre, presque jamais de pain et rarement de la viande. [...] Cette classe du peuple irlandais, qui est la plus nombreuse, offre un contraste révoltant avec la vie douce des Protestants [Anglais] qui presque tous possèdent de grandes richesses."

Les Français instaurent la République éphémère de Connaught. Mais le général Bonaparte et le Directoire sont plus intéressés par la campagne d'Egypte qui débute que par celle d'Irlande - qui aurait pourtant pu être la tête de pont d'une invasion de l'Angleterre, tant redoutée des Britanniques.

La France n'enverra donc pas de renforts au général Humbert. Les troupes françaises sont rapidement battues par les renforts anglais envoyés par Londres.

Lors de la reddition des troupes françaises, le général anglais demande, interloqué, au général Humbert : "Où est votre armée ?" - Le général français répond, en montrant les quelques soldats qui ont survécu aux combats : "La voici toute entière !"

Le général anglais continue, incrédule : "Et que comptiez-vous faire ?" Le général Humbert donne cette réponse superbe : "Aller à Dublin et briser les fers d'une nation qui souffre sous votre joug".

Le général anglais s'exclame alors : "Voilà bien une idée qui ne pouvait sortir que d'une cervelle française !"

Monument commémoratif - Killala



Les prisonniers français sont échangés contre des prisonniers anglais et renvoyés en France.

Les rebelles irlandais sont tous massacrés sans exception - à même les chemins et les troubières, à coup de sabres ou fusillés à bout portant.

Monument à la gloire des Pickmen - insurgé irlandais


Le leader des rebelles, Theobald Wolfe Tone est arrêté et condamné à la pendaison. Par égard à son uniforme français, il demande à être fusillé. On lui refuse cette faveur et il finit par se trancher la gorge dans sa cellule.