mercredi 12 mai 2010

Parlez-vous gaeilge ?



Un petit gars de 5 ans tout juste, qui se plante devant vous, dans la rue et commence à chanter une jolie comptine... dans une langue totalement inconnue, ça interpelle. La chanson est bien jolie et le petit, tout à sa joie, la reprend à plein poumon. Quant à savoir ce qu'elle raconte...

La comptime est en gaélique et le gamin commence à vous la traduire, du haut de ses 5 années.

Qu'est-ce que le gaeilge - langue aux sonorités rauques et au rythme étrange ? C'est d'abord la première langue officielle de la République d'Irlande. La première langue du peuple irlandais : l'irlandais - ou le gaélique comme certains l'appellent. La deuxième langue officielle est l'anglais - pragmatisme irlandais oblige.

Remise à la mode depuis peu par une série télévisée, la langue gaélique a été propulsée sous les feux de la rampe par l'élection, à la tête de son parti politique, du futur Premier ministre d'Irlande. Brian Cowen a surpris son monde en répondant dans la même langue à des journalistes qui l'interviewaient en irlandais. Et sans hésitations.

Il faut toutefois se rappeler que des habitants s'expriment toujours dans leur langue natale - le gaélique. Ainsi un médecin se souvient de ses premières années de médecine à Dublin où, devant soigner un homme d'une cinquantaine d'années, il avait d'abord pensé avoir affaire à un simple d'esprit. Avant de s'apercevoir que l'homme était plus à l'aise, pour décrire les symptômes de son mal, en irlandais qu'en anglais.

Par ailleurs, les personnes plus âgées, scolarisées à une époque où l'irlandais était la seule langue officielle d'Irlande, sont toujours capables de converser entre elles, en gaélique. Au grand dam des plus jeunes.

L'irlandais est devenu langue de travail officielle de l'Union européenne en 2005. Moins de 2 p.cent des Irlandais l'utilisent dans leur vie quotidienne - bien que son enseignement soit obligatoire dans les écoles de la République.

Et même si la langue gaélique reste indispensable pour qui veut devenir fonctionnaire de l'Etat, elle est de plus en plus concurrencée par l'anglais qui, petit à petit, la grignote. Jusqu'à la faire disparaître presque complètement dans des régions comme Dublin et ses alentours.





Mais la résistance s'organise. La langue gaélique a désormais son Digital Humanities Observatory. L'Etat irlandais a décidé d'aider l'institution universitaire à hauteur de 28 millions d'euros. La décision a été prise juste avant la publication des restrictions drastiques du Budget pour 2009.

Son objectif sera de numériser tous documents audio ou vidéo enregistrés au début du XXe siècle dans les régions d'Irlande parlant gaélique. Les chercheurs s'appuieront en grande partie sur les travaux d'un scientifique allemand, le Dr Wilhelm Doegen, qui parcourut l'Irlande de 1928 à 1931, enregistrant la population des comtés de Munster, Ulster et Connacht. Selon les universitaires du Digital Humanities Observatory, les personnes enregistrées par le Dr Doegen utilisaient toujours l'irlandais parlé pendant la Grande Famine (milieu du XIXe siècle).



Actuellement, sur 4,2 millions d'habitant en République d'Irlande, seules 70.000 personnes admettent parler irlandais dans leur vie quotidienne - bien que l'enseignement de la langue gaélique soit obligatoire dès l'école primaire. De récents sondages ont montré que moins de 5 p.cent de la population pouvait effectivement parler irlandais. Et plus des deux tiers disent ne jamais l'utiliser dans la vie courante.



Bien sûr, il faut distinguer les régions dites Gaeltacht [prononcer guel-taukt], situées dans l'Ouest et le Nord de l'Irlande où 45 p.cent de la population parle toujours en gaélique.

Le voyageur égaré au Connemara pourra en témoigner : se retrouver seul au milieu d'un dédale de petites routes, dans une campagne désertique, face à une succession de panneaux indicateurs écrits seulement en gaélique est une expérience dont on se souvient. Il pourra toujours se réconforter dans un pub où il peut avoir la chance d'écouter un chant en gaélique.

2 commentaires:

  1. Ton billet, chère Yolaine, réveille en moi la nostalgie de ma "langue maternelle", celle que j'ai parlée jusqu'à l'âge de six ans: l'alsacien.
    Comme le basque ou le breton, elle disparaît, de plus en plus vite... sous les coups de boutoir des langues dominantes, celles que les politiques aident pour asseoir leur supériorité. Dommage...

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  2. J'espère que vous parlez encore votre langue "natale", Antoine ?
    Dans mon entourage, certains (grands) enfants peuvent toujours parler en gaélique à leurs parents (dans leurs 70 ans) - mais avec de grandes difficultés.

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