mercredi 14 avril 2010

Jean-Paul Sartre et John Huston en Irlande

The Irish Times racontait avec humour, en 2009, comment la rencontre de deux noms a pu se transformer en quelques jours en un échec éclatant.

En 1958, John Huston contacte Jean-Paul Sartre pour lui proposer d'écrire le scénario de son futur film : Freud, la Passion Secrète.


Jean-Paul Sartre



Le philosophe français accepte de collaborer avec le cinéaste américain. Durant l'année 1959, il travaille à l'écriture du scénario et, dès l'automne, se rend en Irlande afin d'y rencontrer le réalisateur qui y réside.

The Irish Times du 29 septembre 1959 relate dans ses pages la rencontre des deux hommes au manoir Saint-Clerans, Co. Galway, et titre : "Les existentialistes de Galway".


La rencontre va pourtant rapidement tourner au vinaigre. Dans une de ses lettres à Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre décrit le manoir de John Huston rempli de souvenirs de voyage du maître des lieux, sans saveur et sans âme.

Le Parisien s'y plaint de n'avoir pas encore quitté cette "grande baraque" des fenêtres de laquelle il ne voit que des champs verts s'étendant sur des kilomètres alentour. Il ajoute, dégouté : "Je vais vous envoyer un télégramme car le téléphone de la chambre ne marche pas (...)".

La campagne irlandaise ne trouve pas grâce à ses yeux : "Partout où vous allez, des ruines, qui vont, sans avertissement, du 6e siècle au 20e siècle (...) Seule la présence de l'herbe prouve qu'une bombe atomique n'a pas été lâchée ici..."


John Huston



Jean-Paul Sartre n'est guère plus tendre avec son hôte, John Huston, dont il décrit à Simone de Beauvoir la "vanité enfantine" quand celui-ci se pique de porter une veste de dîner rouge ou de monter à cheval "pas très bien" (dixit Sartre) pour parcourir son domaine de Saint-Clerans.

De son côté, John Huston ressent la même antipathie pour son invité qu'il dépeint comme "aussi affreux qu'un être humain peut l'être (...) avec ses dents jaunes..."

The Irish Times raconte à ce propos que Jean-Paul Sartre, souffrant d'un mal de dent, demande à son hôte de lui trouver un dentiste à Galway. En bon Américain soucieux de ses dents, John Huston suggère d'aller à Dublin pour y trouver le meilleur des soins. Jean-Paul Sartre refuse de faire tous ces kilomètres pour une dent et va à Galway se la faire arracher. John Huston n'aura qu'un mot :"Une dent de plus ou de moins ne fait aucune différence dans l'univers de Sartre".


Le manoir de John Huston - Saint Clerans en Irlande

De retour à Paris, Jean-Paul Sartre met la dernière main au scénario du film, qui s'avère trop long. Il ne voit "aucune raison pour que le film ne dure pas huit heures", écrit-il à John Huston.

Pendant six mois, Huston et son équipe vont couper, cadrer et présenter enfin un scénario de trois heures. Sartre est furieux et exige que son nom soit retiré du générique du film. Ce qui sera fait.

Le film sortira en 1962 avec Montgomery Clift dans le rôle-titre.

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