samedi 3 avril 2010

Tristes enfants d'Irlande

"Si tu n'es pas sage, on t'envoie chez les religieux !" Jusqu'en 1990, les enfants d'Irlande l'ont tellement entendue cette phrase. Les parents à bout en usaient comme ailleurs on usait du méchant croquemitaine. Car tout le monde savait. Indeed. Et tout le monde laissait faire - l'Etat le premier.


C'était l'époque des couvents des Magdalena Sisters oû les "mauvaises femmes" étaient enfermées - parfois âgées de 15 ou 16 ans. C'était l'époque de la toute-puissante Eglise catholique d'Irlande. Et de son jumeau, l'Etat irlandais.





L'Eglise catholique est toujours très influente en Irlande - en tout cas sur les esprits. Mais le changement se fait déjà sentir. Un léger recul, des têtes qui se redressent - prudemment. Il n'empêche : le mouvement est là. Et l'Etat suit - tout aussi prudemment.


Le rapport de la commission d'enquête sur les mauvais traitements infligés à des enfants a été rendu public par le juge de la Haute Cour. La nouvelle a aussitôt fait le tour des médias. Et le choc pourrait bien ébranler un peu plus l'assise de l'Eglise catholique en Irlande. Enfin peut-être.

A la télévision nationale RTE, un homme témoigné il y a plusieurs semaines. Il a parlé de "camps de contentration" pour enfant. Il a même précisé : "Noel était un jour béni : c'était le seul jour où on était sûrs de ne pas être violés".



Les témoins ont maintenant entre 50 et 80 ans. Tous racontent le climat de peur et de violence qui règnait dans ces institutions pour enfants "difficiles" : enfants de mères célibataires - elles-mêmes mises au ban de la société irlandaise - ou issus de milieux défavorisés.

On estime à environ 30.000 le nombre d'enfants envoyés dans ces institutions de redressement tenus par l'Eglise catholique, entre 1930 et 1990. Les garçons chez les Frères chrétiens, les filles chez les Soeurs de la Miséricode. Les filles étaient continuellement soumises aux humiliations et insultes. Les garçons aux viols.



Les Soeurs de la Miséricode ont déclaré ressentir "une grande tristesse". Le porte-parole des Frères chrétiens a admis qu'"il était difficile de ne pas ressentir de la honte".


Mais ce qui choque le plus les Irlandais - au-delà des calculs d'indemnités pour les victimes qui acceptent en contre-partie de ne pas poursuivre l'Etat et l'Eglise - c'est le long silence de l'Etat irlandais. Un Etat qui jusqu'au bout s'est efforcé de bloquer les enquêtes et les procédures de justice. Un Etat qui jusqu'au bout a cru pouvoir fermer les yeux.

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